Professionnalisation et précarité étudiante au Havre

Le Havre est une ville ouvrière possédant un port assez développé (5ème port européen, il représente 36 000 emplois directs). On y retrouve plusieurs secteurs d’industrie dont la pétrochimie, l’énergie, le cosmétique. De ce fait, la ville est marqué par toute une histoire ouvrière et syndicale  (notamment au port), on retrouve d’ailleur cela dans un des amphithéâtre de l’université qui porte le nom de Jules Durand, syndicaliste condamné à mort pour étouffer la grève des charbonniers au début du 20ème siècle. Le Havre est loin d’être la plus grande ville étudiante de France, on y dénombre environ 13 330 étudiant-e-s pour 200 000 habitant-e-s, bien loin derrière Rouen, situé à moins d’une heure en train (même population pour plus de 44 000 étudiant-e-s). Les nombreuses spécificités de cette ville en font une ville étudiante assez unique. Cependant, cela n’empêche pas le fait que les étudiant-e-s qui y vivent subissent les mêmes contraintes qu’ailleurs (précarité, sélection).

Au niveau de l’enseignement supérieur, on retrouve au Havre différentes écoles de commerce, comme  l’EM Normandie, une des plus anciennes écoles de commerce de France (fondée par des bourgeois spécialistes dans le marché du coton). Les formations proposées par cette école sont principalement axée pour travailler au niveau du port. Pareil pour les autres grandes écoles. On retrouve aussi au Havre un IUT qui représente un quart des étudiant-e-s de l’université,  ce qui correspond à une volonté de professionnaliser rapidement.  Les DUT au Havre concernent les secteurs du tourisme, de l’industrie, de la construction, de la logistique, du commerce et des animations socio-culturelles. Ces secteurs seront, selon pôle emploi, des secteurs qui auront besoin du plus de main d’œuvre dans les années à venir au Havre et/ou qui auront le plus de difficulté à recruter. On retrouve également ces secteurs au niveau des BTS. Au niveau de l’université, on observe des masters proches des secteurs du port, du tourisme, de l’industrie cosmétique, du génie civil, de l’énergie et bien d’autres qui correspondent à tous les secteurs de recrutement du Havre. Cependant, à l’UFR Sciences et techniques, très peu de master théorique ! En effet, on observe un phénomène  qui  à lieu partout en france, les petites université de proximité (comme celle du havre) cherchent de plus en plus à  fermer leur filière théorique, “non rentable” pour ce concentrer sur les filière recherchées par le marché du travail. De ce fait, la majeure partie  des  universités ne resterait plus l’outil des masses populaires afin de s’émanciper intellectuellement, mais deviendrait l’outil de la bourgeoisie pour créer leur main-d’œuvre qualifiée. Ainsi,  les filières non “rentables » telles que les sciences humaines et sociales, ou les lettres disparaissent petit à petit. Le peu d’universités qui ne serait pas concerné deviendrait des universités d’élites, avec une sélection très sévère  comme on observait au début du XXe siècle, faisant subir la sélection aux masses populaires.

Environ 20% des étudiant-e-s du Havre sont étranger-e-s. Ce chiffre élevé s’explique en partie par la professionnalisation des formations. Ces étudiant-e-s recherchent en majorité une formation professionnalisante pour accéder à “l’ascenseur social” qu’est sensé être l’enseignement supérieur, c’est pourquoi d’ailleur on en retrouve en particulier dans les filières scientifiques (certaines promotions de Sciences de l’ingénieur sont composées de plus de 90% d’étudiant-e-s étranger-e-s). La professionnalisation de nos formations prend un tout autre aspect en période de pandémie lorsque l’on voit la difficulté que les étudiant-e-s ont à trouver un emploi. L’université ne va pas empêcher les étudiant-e-s d’acquérir leur diplôme, cependant elle ne préfère pas les prévenir pour ne pas que ces dernier-ères arrêtent leur recherche de stages, les laissant dans une angoisse qui ne fait que croître depuis un an (alors que, selon notre questionnaire rempli par 700 étudiant-e-s de l’université du havre, quasiment 20% des étudiant-e-s estiment être en situation  de décrochage) . On retrouve aussi des étudiant-e-s asiatiques grâce aux échanges qu’impliquent les nombreuses formations asiatiques (LEA, master échange avec l’asie) au Havre. Cette proximité avec l’Asie du sud-est s’explique par le fait que le port du Havre est le premier port français en termes de trafic de conteneurs, qui sont essentiellement importé d’Asie du sud-est.

Les étudiant-e-s  étranger-ère-s  vivent dans une grande précarité, n’ayant pas accès aux bourses. Au niveau du Havre, le Secours populaire, le Secours catholiques et les Restos du cœur, recensaient entre 1300 et 1400 étudiant-e-s bénéficiaire, soit 10% des étudiant-e-s de la ville, et tout cela AVANT la pandémie. Le milieu syndical et associatif du Havre s’est d’ailleurs mobilisé afin d’aider ces étudiant-e-s, la solidarité havraise a permis de faire de très grosses distributions alimentaires (FSE et CGT principalement). Quasiment 600 étudiant-e-s ont pu recevoir des produits alimentaires et d’hygiène corporelle en 2 semaines seulement. En plus de ces difficultés, ces dernier-ère-s subissent un racisme institutionnel de la part des préfectures et vivent dans l’angoisse de se voir renouveler trop tard leur titre de séjour, de ce fait, les étudiant-e-s étrang-ère-s comprennent l’intérêt du syndicalisme et  sont donc plus enclin à s’engager, d’où leur représentation élevé dans la section syndicale havraise (plus de 50% des adhérent-e-s ).

Ces dernier-ères se sont notamment mobilisés contre le plan “Bienvenue en France” qui vise à augmenter les frais d’inscription pour les étudiant-e-s étranger-ère-s (multiplication par quatorze). Aujourd’hui, cette réforme n’est pas appliquée au Havre, l’université prenant en charge le différentiel. Cependant cela n’a pas empêché un recul du nombre d’étudiant-e-s étranger-ère-s voulant rejoindre l’université du Havre.

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