Sur la situation des étudiant-e-s étranger-e-s en Moselle

Depuis le début de cette année universitaire, beaucoup d’étudiant-e-s internationaux-ales rencontrent des difficultés pour l’obtention/renouvellement de leur titre de séjour, se retrouvant pour beaucoup en situation de précarité juridique. La procédure pour venir étudier en France quand l’on ne vient pas d’un pays membre de l’Union Européenne est fastidieuse, coûteuse et incertaine. De nombreuses étapes la constituent, comme la DAP (Demande d’Admission Préalable) à faire pour l’inscription en L1 avant même l’inscription sur la plateforme « études en france”. Le passage par l’organisme Campus France est obligatoire dans toutes les situations où l’étudiant-e ne fait pas partie d’un pays européen. Le service administratif chargé de l’éligibilité des candidat-e-s est un facteur de forte incertitude pour ces dernier-ère-s. Effectivement, après avoir monté un dossier et en avoir payé les frais, un entretien est réalisé puis Campus France se prononce en faveur ou en défaveur de la candidature. Enfin, l’université dans laquelle l’étudiant-e a postulé l’accepte ou la refuse.

Jusqu’ici, rien ne garantit encore la venue en France pour les études. L’obtention du visa est nécessaire pour cela. C’est encore une démarche périlleuse puisqu’il est exigé entre autres que l’étudiant-e ait 7380 € sur son compte et un hébergement ou une promesse d’hébergement dans un lieu proche de sa future université. Ainsi, ces procédures de plus en plus complexes coûtent cher aux étudiant-e-s internationaux-ales et en dissuadent beaucoup. Pour ne rien arranger, la réforme raciste à laquelle le gouvernement a donné le nom ironique de “Bienvenue en france” a été instaurée en 2019. Multipliant les frais d’inscriptions par 15, elle fait passer ceux de licence de 170 € à 2770 € et ceux des diplômes de master 243 € à 3770 €. Les étudiant-e-s les plus impacté-e-s sont donc celles et ceux issu-e-s des pays africains, très peu d’entre elles-eux pouvant obtenir une bourse de leur pays et n’en ayant pas de l’état français non plus. Ainsi, ce dernier accentue et réaffirme sa politique raciste et sélective au profit de son intérêt économique, privilégiant les étudiant-e-s issu-e-s de pays considérés comme étant “plus développés”. Une fois sélectionné-e-s, les étudiant-e-s internationaux-ales les plus chanceux-ses peuvent enfin venir étudier en France. Mais leur calvaire ne s’arrête pas là et ils et elles continuent d’être confronté-e-s à de grandes difficultés en arrivant sur le territoire.

En Moselle, les étudiant-e-s étranger-e-s suivant leur cursus universitaire dans le département sont mis-e-s en lien avec la Direction des Relations Internationales et Européennes (DRIE) de l’Université de Lorraine. Ce service doit normalement leur permettre de faciliter leurs démarches administratives, en leur évitant d’avoir à se rendre en préfecture pour effectuer leurs premières demandes ou demandes de renouvellement de titres de séjour. Toutefois, une plateforme en ligne mise en place nationalement en novembre dernier se charge désormais d’enregistrer toutes ces demandes. Ainsi, seul-e-s les étudiant-e-s en situation irrégulière entrent alors en contact avec la DRIE à ce sujet. La gestion de leur situation est alors individualisée, mais le ressenti des étudiant-e-s concerné-e-s est globalement négatif, puisque la plupart en sont arrivé-e-s à ne plus compter sur l’Université. En effet, l’accompagnement proposé est jugé insuffisant, et l’efficacité du traitement et du règlement de leurs problèmes est plus que discutable.

En théorie, la procédure à suivre pour obtenir un titre de séjour, ou le renouvellement de ce dernier, est la suivante : la demande est à effectuer deux mois avant l’expiration du visa ou précédent titre de séjour, et est traitée en environ huit semaines. Après cela, et à condition qu’elle soit acceptée, un récépissé valable trois mois est transmis et débouche ensuite sur l’obtention du titre de séjour.

Dans les faits, le déroulement de ces étapes est tout autre, et se résume principalement par un allongement significatif et problématique des délais évoqués plus tôt. À la suite du premier confinement de mars dernier, la validité de tous les documents cités jusqu’ici a été étendue de six mois, avec pour conséquence au terme de cette période une quantité de dossiers à traiter bien trop importante. C’est donc un nombre d’étudiant-e-s inquiétant qui se retrouve aujourd’hui bloqué dans ses démarches, ne recevant aucun document à temps. Certain-e-s finissent même en situation irrégulière, en ayant pourtant suivi toutes les étapes à la lettre.

La pandémie de Covid-19 a aussi entraîné l’impossibilité de se rendre à la préfecture de Metz, empêchant ainsi d’expliciter puis résoudre les problèmes rencontrés. Les échanges avec cette administration sont limités à des e-mails qui ne trouvent souvent jamais de réponse. Ils sont ignorés, au même titre que les situations de détresse fortes dans lesquelles se retrouvent les étudiant-e-s du fait de l’inefficacité de la préfecture. Le seul interlocuteur à leur disposition n’en est même pas un. Il s’agit du site internet volontairement opaque de la préfecture de Moselle, sur lequel, par exemple, le lien menant à la plateforme mentionnée plus haut est erroné.

Si la situation n’était pas aussi désastreuse, elle en serait ironique. En effet, voici l’avertissement figurant sur la page “Visa et titres de séjour” du site d’accueil destiné aux étudiant-e-s internationaux-ales de l’Université de Lorraine :

Attention :  il est très important de déposer une demande ou le renouvellement de votre titre de séjour au moins 2 mois avant la fin de votre visa ou titre de séjour actuel. Si votre titre de séjour est expiré, vous ne pourrez plus être affilié à la sécurité sociale, bénéficier des aides sociales, travailler à titre accessoire, effectuer un stage en entreprise ou une formation en alternance, voyager à l’étranger et revenir en France (nouveau visa à demander pour revenir en France), etc.”

Cette mise en garde liste les conséquences auxquelles les étudiant-e-s étranger-e-s dont les dossiers sont délaissés par la préfecture font actuellement face. Elle prouve que la DRIE est consciente de la gravité des problèmes rencontrés lorsque les titres de séjour ne sont pas obtenus ou délivrés à temps. Cette dernière ne fait cependant rien de plus que présumer que les étudiant-e-s sont susceptibles d’être responsables de ces retards, sans réagir au moment où la préfecture de Metz s’en rend elle-même coupable.

Malgré son ton alertant, cette liste ne fait par ailleurs qu’effleurer la surface et minimise même parfois ce qu’elle est censée annoncer. L’expression “travailler à titre accessoire”, par exemple, ne reflète absolument pas la réalité de l’écrasante majorité des étudiant-e-s étranger-e-s. Elle omet totalement leur besoin crucial de travailler en parallèle de leurs études pour pouvoir vivre, puisqu’ils-elles ne peuvent en aucun cas bénéficier des bourses sur critères sociaux du Crous.

Le passage néglige aussi de préciser que les stages – entre autres – sont indispensables à la validation de certains diplômes. D’autant plus que le redoublement pouvant être entraîné par l’absence de stage peut par la suite être utilisé comme argument par la préfecture pour justement refuser le renouvellement d’un titre de séjour.

Enfin, la notion de “voyage” tait le fait que les étudiant-e-s étranger-e-s, notamment en cette période où l’isolement social est tout particulièrement éprouvant, sont privé-e-s de la possibilité d’aller voir leurs famille, ce qui cause une grande souffrance psychologique.

Cette liste n’est dans tous les cas pas exhaustive. Elle permet néanmoins de constater la dangerosité des agissements de la préfecture de Moselle, qui ne daigne pas assurer un minimum de dignité à toute une partie des étudiant-e-s fréquentant son université. Tout cela entraîne une instabilité importante de la situation des concerné-e-s, qui, confronté-e-s à une précarité juridique significative, voient leurs droits encore se réduire. Que ce soit la suspension des aides financières comme les APL ou les licenciements qui en découlent, cette mollesse de la préfecture impacte grandement les conditions de vie et d’études des étudiant-e-s non régularisé-e-s, les mettant dos au mur. Cette démarche n’est pas anodine, et s’inscrit dans la continuité de tous les autres obstacles mis en place afin de décourager et d’empêcher les étudiant-e-s étranger-e-s de suivre leurs études en France.

Localement, la FSE s’est rapprochée d’associations plus familiarisées avec ces différentes procédures, qui ont pu appuyer le syndicat dans ses démarches. Un rendez-vous officiel à la préfecture a ainsi été obtenu. Il n’a cependant consisté qu’en une écoute polie des requêtes, qui ont ensuite été rapidement oubliées. Jusqu’ici, les étudiant-e-s étant parvenu-e-s à débloquer leur situation sont celles-ceux ayant réussi à faire du bruit et intimider la préfecture. C’est donc le modèle à suivre, puisque la voie diplomatique est vaine. Ainsi, ces problématiques ont été intégrées à la mobilisation en cours contre la précarité étudiante, et nous permettent d’ajouter à nos revendications principales le déblocage immédiat de la situation : traitement des dossiers dans les meilleurs délais et régularisation de chacun-e. Il est important de continuer à combattre pour une égalité entre toutes et tous, puisque seule la lutte payera.

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