Conscient-e-s que les violences sexistes et sexuelles découlent de l’oppression systémique qu’est le patriarcat et sont propres à toute la société, cet article analyse les conséquences et les sources des violences sexistes et sexuelles dans l’Enseignement supérieur et met en lumière la responsabilité des établissements.
Si les établissements affichent fièrement leurs « actions » féministes, en renommant des amphis ou en faisant de grand discours sur l’égalité, la réalité du milieu de l’enseignement supérieur n’est pas aussi féministe et progressiste qu’il n’y paraît. Les violences sexistes et sexuelles (VSS) pré-existent au milieu étudiant et sont même très alarmantes selon la récente étude de l’Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l’enseignement supérieur, d’après laquelle 1 étudiante sur 10 est victime d’agression sexuelle et 1 étudiante sur 20 est victime de viol. Ce sont des chiffres choquants qui méritent d’être analysés et qui trouvent une explication pourtant plutôt évidente compte tenu de l’inaction et de l’inconsidération des établissements.
Les renoms d’amphi ou les journées à thème sont autant de mesures et actions superficielles qui incitent à détourner le regard du vrai problème, à savoir, les violences sexistes et sexuelles en interne des écoles et des universités. Parce que les violences sont quotidiennes et qu’elles n’arrivent pas qu’une fois le 8 mars, il en va de la responsabilité même des établissements d’enseignement supérieur de prendre en charge la question des VSS et la lutte contre celle-ci. Pourtant, 60% des étudiant-e-s considèrent à l’heure actuelle les traditions de leur établissement comme inégalitaires, à savoirs majoritairement les écoles de commerces et les Institut d’Étude politique (IEP). Si une grande partie des étudiant-e-s se rendent compte du caractère inégalitaire de leur établissement, on constate que cette prise de conscience augmente avec le nombre d’années d’études passé à évoluer dans ce dernier. Cela implique que la conscientisation s’opère tardivement mais surtout qu’elle arrive par le vécu et l’expérience des violences sexistes et sexuelles.
Beaucoup d’établissement ont refusé de diffuser le questionnaire (qui a permis le rapport sur les VSS) au sein de leur établissement même pour avoir une idée des chiffres et pouvoir agir en conséquence. Cela en dit long sur leurs priorités et leur implication dans la lutte contre les VSS. Et pour cause, la plupart des étudiant-e-s victimes ou témoin de ces ces violences n’ont pas informé leur établissement par manque de confiance en leur écoute ou parce que « ça ne sert à rien ». Ces réactions sont dues d’une part au manque d’information et de communication sur les dispositifs existants dans les établissements (44 % ne savent pas s’il en existe ou pensent qu’il n’en existe aucun) et d’autre part au manque de formation des personnels des établissements sur la question et à l’incapacité des établissements à mettre en place un processus clair débouchant sur des résultats concrets, en terme de sanctions disciplinaires, suite à des paroles ou des actes sexistes. Si il existe des « responsables égalité » ou des « formations sur les VSS » dispensées aux associations, leur efficacité reste à prouver. Souvent, les responsables égalité servent juste de « caution anti-oppression » mais ne prennent aucune mesure lorsqu’un problème leur est remonté. En ce qui concerne les formations, leur contenu laisse à désirer dans certains établissements où on a pu entendre des propos déplacés qui prétendaient que les VSS sont plus accrues dans certaines régions françaises car elles résulteraient de la mentalité du sud par exemple. Les personnes qui dispensent les formations sont souvent déconnectées de leur sujet et manquent elles-même de formation et de ressources sociologiques claires.
La plupart des violences physiques se passent dans des cadres extérieurs telles que les soirées étudiantes ou les week-ends hors campus. L’importance de formation et le cadrage de ces soirées est extrêmement important, tout comme la prévention en amont. La mise en place de dispositifs d’urgence doit également être systématisée. De plus, beaucoup d’associations étudiantes n’ont pas de ligne claire en ce qui concerne la gestion des violences sexistes et sexuelles et n’ont ni formation ni accompagnement à proposer. Si certaines organisations étudiantes sont fières de dispenser des formations, considérer que la formation est suffisante est une vision erronée de ce que doit être la lutte contre les VSS quand 6 % des agressions arrivent dans des associations et que les traditions de celles-ci représentent une des principales causes des violences sexistes et sexuelles (10%) d’après les étudiant-e-s. L’effet de groupe et la pression pour être bien intégré ainsi que tous les moments de sociabilisation ne doivent pas être exempt de vigilance. Se former est bien sûr important, mais la formation ne doit pas empêcher la vigilance constante et surtout la remise en question des pratiques associatives qui mettent clairement en danger les étudiant-e-s à coup de soirées d’intégration humiliantes, et de bizutage désolant où le sexisme et les violences sexiste règnent, sont banalisées et tolérées par les établissements qui les autorisent (notamment en médecine, en prépa et en écoles d’ingénieurs et de commerce). Le manque de sensibilisation et de formation sur les oppressions mais surtout sur les violences sexistes et sexuelles ressort notamment lorsque 24 % des étudiant-e-s attribuent aux violences sexistes et sexuelles l’alcool comme principale cause. L’alcool ne justifie pas les violences sexistes et sexuelles.
Si les dispositifs d’accompagnement ou d’aide sont pour la plupart méconnus des étudiant-e-s-, les rares fois où ils sont saisis, ils s’avèrent incompétents. Effectivement, il est plus que rare que les établissements prennent au sérieux les affaires d’agressions. La non prise en charge des établissements, qui jouent bien trop souvent sur la méconnaissance des processus juridiques ou disciplinaires des victimes ou témoins, participent à la résignation des étudiant-e-s à faire remonter leurs problèmes. On préfère souvent protéger un agresseur que croire une victime, moins de procédures et pas d’entrave à l’image de l’établissement. Certains établissements affirment, quand ça les arrange, de devoirs attendre des décisions de justices alors que le processus interne d’enquête et de sanction disciplinaire est indépendant d’une quelconque décision de justice selon une circulaire du 25 Novembre 2015. On voit pourtant bien que l’impunité règne dans le supérieur et participe à l’encouragement et à la banalisation des VSS, (18 % des étudiant-e-s qualifient l’impunité comme une des principales causes des VSS) puisqu’elles sont autorisées et non-condamnées.
Les établissements se doivent d’être formés et d’assurer une formation efficace aux personnels mais aussi d’agir réellement que ce soit en terme de prévention que de sanction. Il est intolérable d’avoir connaissance de ces chiffres, d’avoir connaissance de la fréquence des violences sexistes et sexuelles en interne comme en externe du milieu étudiant et de rester passif ! La plupart des étudiant-e-s ne savent pas comment agir ou réagirà ces situations sans explications au préalable, si aucune campagne de prévention n’a été menée, si leurs responsables enseignant-e-s et personnels ne sont pas formé-e-s, si les dispositifs existants ne sont pas communiqués ou visibles, si les dispositifs n’existent pas, si les violeurs et les agresseurs continuent de vivre leur vie en toute liberté et en toute impunité. L’Enseignement Supérieur est complice des Violences Sexistes et sexuelles et nous ne pouvons pas rester inactif-ve-s face à cette irresponsabilité !
Le temps est à la lutte : harceleur, agresseurs, violeurs, hors de nos vies ! Hors de los luttes ! Hors de nos facs !
→ source chiffres : « Rapport « Paroles étudiantes sur les violences sexuelles et sexistes » de l’Observatoire Étudiant des Violences Sexuelles et Sexistes dans l’Enseignement Supérieur, 12/10/2020. »