Nous avons appris, vendredi 15 octobre 2020, choqué-e-s, l’assassinat de Samuel Paty, enseignant d’Histoire-géographie dans les Yvelines. Cet événement désolant est un acte d’horreur qui n’a pas sa place ni en France ni ailleurs. Nous dénonçons ce crime, nouvelle manifestation du terrorisme islamiste contre lequel il faut lutter efficacement. Nous apportons ici notre soutien aux proches et élèves de la victime, ainsi qu’aux personnels de l’éducation. Nous tenons aussi à rappeler que la radicalisation découle de problèmes structurels sociaux et économiques et d’une politique impérialiste de longue date, qui divise et rend la société propice aux actes terroristes. Nous pensons que c’est donc vers des changements politiques et structurels profonds que doit être principalement dirigée la lutte antiterroriste et non envers la communauté musulmane.
Après des années de banalisation progressive des discours racistes et islamophobes, le crime de vendredi représente un point d’ancrage propice à l’instrumentalisation, à la stigmatisation et à l’intimidation politique. Suite à cet acte ignoble, le gouvernement et beaucoup de partis politiques n’ont pas attendu, et ont utilisé cet attentat terroriste afin d’impulser ou soutenir des mesures islamophobes, racistes et fascistes au sein du pays : d’après le ministère de l’intérieur, c’est déjà 231 fiché-e-s S étranger-e-s qui vont être expulsé-e-s dans la semaine, un coup d’éclat médiatique assumé, sans décision de justice ni lien avec l’enquête. Dans le même temps, 51 associations sont proposées à la dissolution ce jour, dont le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), association antiraciste n’ayant aucun lien avec les milieux terroristes ou radicaux. Dès ce week-end, des opérations de police et perquisitions ont été lancées, selon le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, sur des « dizaines d’individus » qui n’ont, d’après ses mots, pas un « lien forcément avec l’enquête mais à qui nous avons manifestement envie de faire passer un message ».
Avec ces mesures, dans un pays où l’extrême droite prend de l’ampleur, l’État fait un choix politique dangereux en rentrant dans le jeu islamiste, qui trouve un intérêt direct dans le rejet des personnes de confession musulmane. Les démonstrations de force de l’État ne sont pas nouvelles et s’inscrivent parfaitement dans un processus qui a laissé sévir en France des idéaux racistes, fascistes et islamophobes montants, sous prétexte d’État d’urgence. Celles-ci visent à attiser la haine et faire diversion quant à l’échec de l’État dans sa lutte contre le terrorisme et à sa responsabilité. La démarche de l’Etat vise à criminaliser la lutte contre l’islamophobie en qualifiant des associations de “séparatistes” et en s’attaquant arbitrairement à des individus sans aucune preuve, de quoi faire tomber l’État de droit vers un État ouvertement autoritaire.
Nous tenons à affirmer notre soutien au CCIF, qui lutte quotidiennement contre les attaques racistes et islamophobes. Nous apportons également notre soutien à l’ensemble des victimes de terrorisme et leurs proches, ainsi qu’à la communauté musulmane, victime de l’islamophobie et du racisme d’État. Dans les institutions comme en dehors, dans la rue comme dans nos universités, le racisme et le fascisme n’ont pas leur place ! La lutte antiterroriste est un sujet trop grave pour se contenter d’effets d’annonces et de coups de filets symboliques. Seul un changement de cap social et géopolitique viendra définitivement à bout de ces violences.