Depuis début juillet 2023 les compagnons sans papiers d’Emmaüs Saint-André sont en grève pour réclamer le respect de leurs droits, une rémunération juste, et leur régularisation. Fin septembre, la communauté de Nieppe, victime de la même direction, a également rejoint le mouvement de grève.
Les compagnons dénoncent des conditions de travail proches de l’esclavagisme. Sous couvert de « bénévolat » c’est un véritable système d’exploitation qui est en place chez Emmaüs. À leur arrivée, on leur promet la régularisation au bout de 3 ans de bénévolat à hauteur de leurs moyens, logés et nourris dans la communauté. En réalité, la direction les maintient sur place pour les exploiter avec des semaines de 40h de travail et en guise de salaire un pécule de 150€ par mois. Et au bout de 3 ans aucune démarche de régularisation n’est amorcée. Certains grévistes sont là depuis 6 ans et n’ont toujours pas été régularisés.
Ibrahima, camarade gréviste, dénonce des conditions de travail dures, sous la surveillance constante de près de 37 caméras. Les compagnons n’ont même pas le droit de s’asseoir sans être réprimandés. Leurs chambres sont régulièrement fouillées, et à ceux qui se plaignent, on leur dit de « retourner au pays ». En plus de ce rythme insoutenable, aucun droit du travail ne s’applique à Emmaüs: les arrêts de travail sont déchirés par la directrice Anne Saingier, les périodes de convalescence ne sont pas respectées. Une des portes paroles des grévistes, Happy, raconte qu’elle a dû travailler jusqu’au terme de sa grossesse, et reprendre le travail son bébé sur le dos dans les jours qui ont suivi l’accouchement.
A Nieppe et à Saint André, ils dénoncent tous également des conditions de vie insalubres. La communauté de Nieppe n’est pas aux normes de salubrité ou de sécurité. Les compagnons de Saint-André reçoivent pour eux et leurs enfants de la nourriture avariée.
Face à ce constat, les compagnons ont fait appel à la CGT du Nord et au Comité des Sans Papiers 59 (CSP59) pour lancer la grève. Ces organisations assurent une présence quotidienne et une aide matérielle sur les piquets.
À la FSE Lille, nous avons été présents autant que possible dès juillet, passant régulièrement sur le piquet de grève pour soutenir les camarades. Cet été, un don national a été fait à la caisse de grève. Quand les camarades grévistes subissaient de plein fouet la répression du gouvernement nous étions à leurs côtés, devant la mairie et les commissariats. Nous avons aussi manifesté à leurs côtés et aux côtés du CSP 59 pour exiger leur régularisation immédiate. Le soutien et la solidarité avec les grèves et luttes des travailleurs de tous les secteurs est central à notre syndicalisme. Nous nous inscrivons dans un syndicalisme de transformation sociale qui ne peut se confiner uniquement à nos lieux d’étude et doit être partie prenante de toutes les luttes. Ensuite, parce que nous savons qu’historiquement les attaques sur les travailleurs, en particulier immigrés et/ou sans papiers, sont toujours la première étape de la destruction de nos droits et de nos acquis sociaux. La victoire à Emmaüs, c’est la victoire de tous.
C’est aussi pour ces raisons que soutenir leur grève est une priorité pour la section, à travers des visites régulières et une participation à leurs actions et manifestations, mais aussi en se faisant le relais de leur lutte sur nos campus à travers de l’affichage, du bouton de veste, des interventions dans les cours en présence des camarades de Nieppe, et récemment via une conférence sur leur mouvement au campus de Moulins.
La présence de soutiens sur le piquet est d’autant plus importante que la répression envers les grévistes ne fait que s’intensifier. À Nieppe, les bénévoles et clients s’organisent sur un groupe facebook où fusent les insultes racistes pour venir démonter le piquet, récemment les grévistes y ont trouvé une tête de sanglier déposée en provocation. À Saint-André, le voisinage fait signer une pétition contre la présence du piquet de grève et le chauffage a été coupé par la direction en plein hiver. Ils ne reçoivent aucun soutien de la mairie. La police est présente à toutes leurs actions pour les réprimer violemment, mais également sur le piquet.
Nous étions présents à Saint-André fin novembre sur plusieurs jours, quand des interventions de police particulièrement violentes ont eu lieu. Les forces de l’ordre ont débarqué dès le matin pour empêcher le piquet de s’installer, les grévistes ont été coincés derrière les grilles de la haltes. Du matériel syndical et leur caisse de grève ont été saisis, le tout dans une grande violence, tabassage, matraquage, et gazage, sans aucun motif ou autorisation officiels. Récemment, deux compagnons grévistes ont été arrêtés et placés en garde à vue presque 48h, déplacés entre le commissariat de la Madeleine, de Lille et le tribunal, là aussi sans motif officiel jusqu’à leur sortie. Ils ont finalement été relâchés, placés sous contrôle judiciaire avec interdiction de manifester jusqu’à leur passage en justice le 18 juillet.
Face à cette montée de la répression de leur mouvement, il est toujours plus urgent d’être nombreux à leurs actions et leurs piquets de grève, à la fois pour le moral des camarades, et à la fois pour montrer qu’ils sont entourés, soutenus, et que toute violence envers eux ne pourra pas être ignorée ou passée sous silence.
Autre avancée dans leur mouvement, cette fois-ci positive: la direction des communautés a été placée en Garde à vue puis sous contrôle judiciaire jusqu’à leur passage au tribunal en juin. Le motif retenu est celui de travail dissimulé aggravé, auquel s’ajoute harcèlement pour Anne Saingier. Les grévistes ne comptent cependant pas s’arrêter là et continuent de se battre pour que leurs conditions de vie s’améliorent et pour être régularisés au plus vite.
Malgré la promesse de régularisation de tous les sans papiers en grève en France, la lutte ne s’arrête pas. Tant que cette promesse de régularisation ne sera pas transformée en titre, les camarades grévistes d’Emmaus et le CSP 59 continueront leurs luttes. Et nous continueront de les soutenir jusqu’à la victoire !
La mobilisation des grévistes d’Emmaüs est une grève primordiale pour défendre les droits de notre classe. Les soutenir est essentiel, en relayant les informations de la grève, en les soutenant financièrement, mais aussi en se rapprochant des luttes de tous les travailleurs sans papiers. Les chantiers des JO qui emploient des centaines de sans-papiers, les entreprises de livraisons, les géants comme Amazon, autant de lieux où sont bafoués les droits des sans-papiers, mais aussi des lieux des luttes de ces derniers. Avec la loi asile immigration, la bourgeoisie affiche clairement l’intention d’encore plus précariser ces travailleurs, et ce n’est que par la lutte que nous saurons vaincre.