Une présidence sourde face à un problème d’envergure
La dégradation des conditions d’études à l’Université de Limoges ne date pas d’hier. Mais elle a atteint un niveau tel que, le 8 janvier 2024, le conseil de la FLSH envoyait, aux étudiant-e-s, professeur-e-s et personnel de la faculté, une motion décriant la situation actuelle. Plus de 1 585 heures de cours ne peuvent être assurées lors du semestre 2, par manque de professeur-e-s. Bien que des avertissements ont été émis, aucun intérêt n’a été porté sur la situation de la part de la présidente de l’Université.
Depuis juillet 2023 et jusqu’à ce jour, la présidente a été interpellée à de multiples reprises, aussi bien par le conseil de la Faculté des Lettres et de Sciences humaines que par les étudiant-e-s. En amont d’un semestre sans enseignements, la FSE a averti les étudiant-e-s de la situation et a tenté de prendre contact avec la Présidence, en vain.
Dans ce contexte, un comité de mobilisation est né. Des étudiant-e-s en Géographie, filière particulièrement affectée par le manque de professeur-e-s, se sont rassemblé-e-s afin d’organiser une ébauche de ce mouvement. Un rendez-vous a enfin été obtenu avec Madame Isabelle Klock-Fontanille , présidente de l’Université, qui n’a abouti à aucune solution concrète. Ce manque de réponse et d’engagement de sa part a entraîné l’organisation d’une première Assemblée Générale qui a rassemblé 250 étudiant-e-s !
Finalement, la parole se délie après des semaines et des mois de questionnement et de frustrations. Face au dialogue fermé et aux discours vides de madame Klock-Fontanille, les étudiant-e-s se posent une question : comment faire en sorte que la présidente ne puisse plus ignorer nos plaintes ? Comment la forcer à nous voir et à voir les obstacles qu’elle dresse devant nous ? En première action, une solution pacifique et unique avertissement, l’AG choisit de se rassembler devant le siège de l’Université. Fini les fabulations et les promesses vaines, les étudiant-e-s veulent des actions.
La lutte commence maintenant.
Le syndicat, un outil au service de la mobilisation
Dans cette mobilisation, il est essentiel de mentionner la place que la FSE a sue trouver. L’origine du comité de mobilisation, cadre décisionnaire, provient d’une poignée d’étudiant-e-s. Le souhait est ici de s’organiser collectivement contre une problématique qui nous touche toutes et tous et attaque directement nos conditions d’études. Se joindre, en tant que syndicat, à une mobilisation en devenant un réel appui pour la mobilisation est nécessaire. L’outil syndical est bénéfique pour massifier une telle mobilisation, par l’apport d’une expérience militante et d’une analyse poussée de la situation, au-delà des murs de l’Université, en montrant que le problème est structurel et global.
Les étudiant-e-s limougeaud-e-s renouent ainsi avec la culture de la rue, dans la lutte contre la libéralisation de l’Enseignement Supérieur et la Recherche en France. C’est donc une soixantaine d’entre nous qui avons manifesté le jeudi 22 février, aux yeux de tou-te-s, pour nos conditions d’études et la protection de notre faculté de proximité. Une heure de manifestation, rythmée par des slogans tout du long, jusqu’au siège de la Présidence de l’Université de Limoges que nous avons trouvée complètement close, l’intégralité du personnel barricadé à l’intérieur. Cette situation prouve la crainte que représente la colère étudiante, d’un potentiel envahissement, et marque symboliquement la fermeture de l’institution face à nos revendications. Les slogans n’ont pourtant pas cessé, attisés par l’irritation de trouver la grille close et ponctués par une prise de parole de la FSE, sur la situation qui nous touche.
La Présidente s’est finalement montrée, et a invité une dizaine d’entre nous à une discussion sur notre mobilisation. Cependant, elle a fait preuve d’une fermeture au dialogue, et a tenté de nous embrouiller, en nous parlant de problèmes internes à la gestion de l’université, qui ne nous concernent guère. Elle n’a donc été aucunement en mesure d’apporter une solution concrète, ou une piste de résolution, à une problématique qui l’est tout autant : la suppression de cours, faute d’une bonne gestion de sa part. Nous ne sommes pas dupes face à sa tentative de détourner le problème. Ce rendez-vous a néanmoins abouti à la proposition de la rédaction d’une motion à présenter au Conseil d’administration de l’Université. Deux modalités sont possibles : une rédaction provenant uniquement des étudiant-e-s, avec l’intégralité des revendications que l’on souhaite, ou une motion co-rédigée avec elle-même, qui risque simplement de nous brider sur nos demandes. Le risque est alors de nous faire entrer dans une dynamique co-gestionnaire, ce qui n’est pas souhaitable pour faire face à cette attaque faite à nos conditions d’étude.
La nécessité d’amplifier la mobilisation
Si la lutte s’organise aujourd’hui à Limoges, les autres universités ne sont pas étrangères à ces problématiques. Derrière le cas particulier de la FLSH se cache une attaque généralisée contre l’ESR qui ne cesse de s’appauvrir. Le 22 février, une coupe budgétaire de 900 millions d’euros a été annoncée, ce qui détériore encore un peu plus la situation.
Cette énième offensive nous montre bien une chose, dans le regard du gouvernement, comme dans celui des président-e-s d’université, nos conditions d’étude sont des variables sacrifiables. Qu’importe si les professeur-e-s viennent à manquer, qu’importe si les étudiant-e-s s’enfoncent de plus en plus profondément dans la précarité, l’heure est aux économies.
Mais nous ne pouvons plus le supporter. La réduction du budget se traduit par la dégradation des formations, si ce n’est leur disparition, d’autant plus que c’est une véritable sélection financière qui se profile. Les plus précaires d’entre nous sont déjà fortement désavantagé-e-s. Pourtant, continuellement, le gouvernement dresse une barrière supplémentaire entre eux et l’obtention de leur diplôme. La séparation invisible se creuse entre les étudiant-e-s dont les conditions matérielles d’existence permettent la réussite de leurs études et les autres.
Alors pour ceux qui en subiront les effets, que restera-t-il comme solution ?
La situation de Limoges est un avant-goût des effets de ce grand plan de la casse du service public. Pour remédier à la situation et empêcher la bourgeoisie de détruire le bien commun que devrait être l’université, le seul moyen à notre disposition est d’imposer un rapport de force. Sans cela, la bourgeoisie française, dont les enfants ne fréquentent guère plus souvent les bancs de l’université publique, n’aura aucun mal à poursuivre sa libéralisation. Heureusement, si les président-e-s d’universités miment la surdité, nous ne sommes atteints d’aucune cécité. Nous voyons parfaitement où sont les intérêts de notre classe : dans la lutte contre le manque de professeur-e-s et contre la réduction des budgets des services publics partout sur le territoire.
Nous appelons toutes les facs à se mobiliser par tous les moyens le 19 mars, journée de mobilisation nationale de tous les services publics, et à poursuivre et amplifier la mobilisation dans les jours et semaines à venir.