La semaine dernière ont eu lieu les élections aux Conseils d’administration des CROUS (Centre régionaux des œuvres universitaires et scolaires). Si de manière générale la participation aux élections étudiantes est faible, le vote en ligne vient une nouvelle fois complexifier les démarches de vote et faire baisser les chiffres. Un des premiers problèmes auxquels nous avons été confrontés est que beaucoup d’étudiant-e-s n’étaient pas inscrit-e-s sur les listes électorales en amont, et les procédures de vérification n’ont été communiquées que tardivement (notamment beaucoup d’étudiant-e-s étranger-e-).

Nationalement, le taux de participation serait de 4,09 % selon le CNOUS, soit environ 96 % d’abstention. C’est un taux de participation qui ne fait que baisser d’année en année, sans que cela ne semble préoccuper le quotidien du ministère et des principales organisations étudiantes, qui se félicitent de la tenue des élections. A titre de rappel, en 2012 nous étions à 9,10% puis 7,46% en 2016, enfin 6,24% en 2018. En plus de ce faible taux, les étudiant-e-s sont très minoritaires dans les conseils et la représentation est également très fractionnée, ce qui laisse pas ou peu de marge de manœuvre et de rapport de force aux organisations syndicales d’opposition.

L’erreur des organisations est ainsi de perpétuer d’années en années, l‘illusion d’une réelle “démocratie étudiante” dans l’Enseignement supérieur. Dépendant de gains financiers et matériels importants du ministère liés à la représentation, les organisations étudiantes entretiennent un rapport opportuniste aux élections. Cela se traduit par des successions de sophisme et/ou mensonges pour faire voter, ainsi que des investissements financiers et humains, disproportionnés en comparaison avec l’activité de terrain. Partant de ce constat, on comprend vite que dans ce cadre, une démarche d’honnêteté conduit presque mécaniquement à la minorité. 

Historiquement, la création des conseils fait suite à une forte mobilisation des étudiant-e-s en mai-juin 1968, et un compromis proposé par le gouvernement afin d’institutionnaliser le rapport entre organisations étudiantes et établissements. Elles ont eu pour conséquences la baisse des mouvements de contestation structurés par des syndicats et sert depuis d’outil pour canaliser la contestation au sein des conseils et “acheter” l’ordre social, contre les avancées sociales.

En acceptant ces règles et jouant et en mettant des forces colossales dans ces dernières, plus que dans les mobilisations, les organisations légitiment ce système. Si les avancées locales comme nationales obtenues ont été le fruit de mobilisations étudiantes, l’issue des décisions se trouve entérinées dans les conseils, d’où notre intérêt à y garder une présence. Cependant, l’obtention d’élu-e-s ne conditionne en rien l’obtention de victoires. Par exemple, au Havre en ce début d’année universitaire, c’est par la mobilisation que nous avons pu faire loger des étudiant-e-s sans logement dans les résidences du CROUS, et ce sans avoir d’élu-e-s ni dans les Conseils du CROUS ni dans ceux de l’Université. C’est par la grève des loyers que les résident-e-s de Luminy (Marseille) ont pu être remboursés de leurs loyers pour cause d’insalubrité. C’est par l’action concrète et les mobilisations que nous obtenons des droits et ce que nous voulons mettre en avant.

Les quelques dispositions prises en faveur des étudiant-e-s ces deux dernières années se comptent sur les doigts d’une main : le repas à 1 euro – qui servait de « bonne action » au nouveau premier ministre J.Castex et visait à empêcher une contestation étudiante dans un contexte sanitaire et social déjà complexe  – la mise à disposition de protections périodiques dans les CROUS et les universités – une mesure arrivée sur le fil du Covid et faisant suite aux initiatives des organisations féministes. Finalement, ce sont des palliatifs à la précarité qui ne règlent pas le problème de fond : celui d’un accès durable à des conditions de vie et d’études. Ils arrivent d’ailleurs bien tardivement : il aura fallu attendre une pandémie mondiale.

Les maigres avantages dans les Conseils est de pouvoir être présent-e-s dans les commissions d’aide, notamment concernant l’attribution des aides sociales du CROUS, ou dans les commissions de discipline pour pouvoir appuyer les dossiers des étudiant-e-s qui en ont besoin. Concernant les commissions disciplinaires, cette posture est d’ailleurs difficilement tenable sans être rapidement taxée de tenir une position corporatiste par les enseignant-e-s, nous marginalisant alors dans la gestion des dossiers.

Finalement, la présence des étudiant-e-s dans les Conseils, du CROUS comme des universités, n’ont pas permis la mise en place de la fin de la compensation et des rattrapages dans beaucoup d’universités, ou encore le passage de l’EPE à Lille qui détruit ce qu’il reste d’une université publique et ouverte à tou-te-s. Ce que permet de relever l’issu de ces élections, c’est néanmoins une marginalisation constante des listes s’assumant comme conservatrices ou réactionnaires, dont le discours reste loin d’être réellement audible dans l’ensemble de la population étudiante.

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