
1er Point : Sur la lutte des classes dans l’Enseignement supérieur
Le développement des forces productives engendrant un besoin, pour la bourgeoisie, de main d’oeuvre toujours plus formée, l’ESR évolue depuis les années 1960 et connaît un phénomène de massification accentué par les luttes du prolétariat pour accéder aux études supérieures. Cette massification est le fait de l’entrée progressive des classes populaires dans ses structures, y voyant entre autres un moyen d’élévation sociale. Ce phénomène fait naître de fortes contradictions de classes au sein de l’ESR, que la bourgeoisie tente de réduire vers son seul avantage en libéralisant ce dernier, au détriment de l’intérêt des classes populaires. Nous aspirons à pouvoir mener librement nos études et recherches, non pas dans l’intérêt d’une minorité possédante, mais dans l’intérêt de la société toute entière. Nous défendons un ESR unifié, ouvert, inclusif, gratuit et critique.
2ème Point : Sur les travailleuses et travailleurs en formation
Remettant en cause son rôle supposé de transmission et d’accroissement global des savoirs, l’ESR se voit transférer progressivement une fonction d’acquisition de compétences et de formation professionnelle spécifique afin de correspondre aux besoins du patronat sans qu’il ne contribue à leur financement. L’Université assumant désormais des missions de professionnalisation et de formation continue, le coût de la formation du travail tend à reposer sur les travailleurs et les travailleuses elles et eux-mêmes, et non plus sur les employeurs et employeuses. Ainsi, au moyen de la libéralisation, la bourgeoisie fait de nous non plus de simples étudiant-e-s, mais des travailleuses et travailleurs en formation, quand nous ne produisons pas déjà de la valeur en nous salariant ou en menant des recherches à son profit. Ce lien entre ESR et monde du travail est matérialisé par le diplôme, nous reconnaissant des droits sur le marché du travail, garantis par le code du travail et les conventions collectives. Voilà pourquoi nos intérêts sont indissolublement liés aux intérêts des travailleuses et travailleurs salarié-e-s.
3ème Point : Sur le syndicalisme étudiant
Les contradictions de classe, traversant l’ESR, impactent directement l’objet de nos études et de nos recherches, ainsi que notre protection sur le marché du travail. De plus, celles-ci pèsent sur les conditions de formation des étudiant-e-s issu-e-s des classes populaires, nous offrant un accès limité aux formations les plus valorisées et dévalorisant les filières auxquelles nous accédons, en faisant de simples réserves pour une professionnalisation précise et rapide répondant aux besoins immédiats de la bourgeoisie. La précarité de nos conditions de vie et d’étude, ainsi que l’obligation quasi-générale du recours au salariat, à la fois seul moyen et principal obstacle à l’obtention du diplôme, n’est qu’un exemple supplémentaire de cette réalité. Cette matérialisation de la lutte des classes nécessite la reconnaissance d’une forme particulière de syndicalisme : le syndicalisme étudiant. Les étudiant-e-s ne constituent pas pour autant une classe homogène car leurs conditions matérielles d’existences et leur place (ou celle de leurs parents) dans la production ne sont pas les mêmes. Ainsi, les intérêts des étudiant-e-s bourgeois-e-s sont en conformité avec la libéralisation de l’enseignement supérieur puisqu’ils et elles auront à leur tour besoin d’un prolétariat formé lorsqu’ils et elles entreront dans la production.
4ème Point : Sur nos moyens et pratiques syndicales
Le syndicalisme naît d’une nécessité d’organisation et compte pour mission l’élévation du niveau de conscience du milieu qu’il organise. Cette élévation se construit par l’obtention de victoires par la lutte et se renforce par l’organisation de solidarité concrète. Elle se traduit aussi par la construction d’un rapport de force avec d’autres organisations, en mettant le syndicat à disposition comme un outil de conscientisation, par des réunions d’information et un syndicalisme de terrain au quotidien. Nos pratiques syndicales ne sont pas figées et ne découlent pas de positions de principe. Nous nous défendons de toutes dérives corporatistes et cogestionnaires nous enfermant dans des logiques d’isolement et la passivité légaliste et institutionnelle. Nous dénonçons la cogestion biaisée qui nous est proposée, qui a pour seul rôle de domestiquer le syndicalisme en l’associant à l’application des réformes gouvernementales. Nous sommes solidaires des luttes menées par le syndicalisme professionnel et soutenons que les travailleuses et travailleurs des différents secteurs économiques doivent pouvoir se reconnaître et se coordonner. Nous prenons part à toutes les luttes dans lesquelles nous avons intérêt : locales ou nationales, sectorielles ou générales.
5ème Point : Sur les masses étudiantes et le syndicalisme de masse
Nous partons du constat que les masses font l’Histoire et que seul le mouvement des masses dans l’action permet d’obtenir de réelles victoires. Ainsi, nous concevons un syndicalisme ancré dans les masses étudiantes, dans leurs lieux d’études, dans leurs lieux de vie, dans leurs lieux de sociabilité. Notre syndicalisme est au service des masses et donc n’en est pas coupé. Nous refusons de nous enfermer dans un entre soi militant coupé des masses et tirons cette leçon du bilan des organisations nous ayant précédé. Nous nous revendiquons d’un syndicalisme de masse, ne se matérialisant pas uniquement par le caractère massif de l’organisation, mais principalement par une pratique de masse quotidienne. Toute action, toute lutte, ne peut aboutir qu’avec la participation et le soutien actif de celles-ci.
6ème Point : Sur le syndicalisme, outil des personnes opprimées
Nous défendons un syndicalisme à l’image des masses étudiantes. Cette conception nécessite de prendre en compte les contradictions internes aux masses, marginalisant une partie d’entre elles dans leur organisation. Ainsi, le racisme, le sexisme, l’homophobie, la transphobie, le validisme, sont autant d’éléments spécifiques engendrant oppression et sur-exploitation sous différentes formes. Le syndicalisme se doit d’être aussi l’outil de ces personnes marginalisées : c’est pourquoi nous luttons contre ces rapports de domination internes aux masses, tant dans notre organisation que dans les luttes sociales, ou nos lieux de sociabilité. Nous comprenons l’oppression des femmes, la domination masculine, la culture du viol et les violences sexuelles contre lesquelles nous nous battons comme les manifestations du patriarcat. Le patriarcat est le système de division de la société en deux genres, homme et femme, visant à assurer aux hommes la domination sur les femmes par un ensemble de conceptions culturelles, d’habitudes de comportement qui dénigrent les femmes et valorisent les hommes. Économiquement, cette domination passe par l’exploitation du travail domestique des femmes et une codification des normes de relations à travers le mariage et la prostitution. De cette division genrée découle l’oppression et la marginalisation des personnes LGBTI. Les violences sexistes, homophobes, transphobes sont des violences patriarcales. De cette division genrée découle l’oppression et la marginalisation des personnes LGBTI. Les violences sexistes, homophobes, transphobes sont des violences patriarcales. Enfin, nous nous battons pour que règne la culture du consentement sur la culture du viol, et portons une attention particulière à la lutte contre les violences sexuelles, nécessitant une vigilance permanente, et une réaction d’une grande fermeté. Outre le patriarcat, les structures de l’ESR français traduisent les réalités profondément racistes de la société française, principalement construites sur l’imagerie coloniale. Ces réalités se constatent aussi bien dans l’accès à l’enseignement que dans les traitements différenciés, ainsi que dans les objets d’études scientifiques. Quant au validisme, les personnes handicapées se voient exclu-e-s de la plupart des espaces liés à la production ou la formation, car jugé-e-s de facto inaptes. Cela se traduit dans l’ESR par une grande adaptabilité des lieux et conditions de vie et d’étude. Nous défendons un ESR inclusif et soutenons les personnes opprimées lorsqu’elles dénoncent leurs conditions, s’organisent, et luttent pour les dépasser.
7ème Point : Sur l’Impérialisme et l’Internationalisme
Ne pouvant être déconnecté des intérêts économiques, l’ESR français suit les dynamiques impérialistes de sa bourgeoisie nationale. Organisant la marchandisation des savoirs à l’international avec une mise en concurrence des établissements et laboratoires, cette structuration participe à l’exploitation des Etats semi-coloniaux par les Etats impérialistes qui trouvent là un moyen supplémentaire de mise en valeur de leurs capitaux. Nous nous opposons à cette structuration organisée pour l’appropriation des recherches des étudiant-e-s issu-e-s des colonies et semi-colonies, ainsi qu’aux projets de recherche consolidant des projets coloniaux et impérialistes. Nous sommes résolument anti-impérialistes et internationalistes, et soutenons les initiatives de rapprochement et de solidarité avec les luttes émancipatrices des étudiant-e-s et travailleur-se-s des autres États.
8ème Point : Sur la lutte antifasciste
La bourgeoisie gouverne habituellement par la démocratie libérale. Cependant, en temps de crise économique et avec les révoltes populaires qui peuvent s’en suivre, la frange la plus réactionnaire de la bourgeoisie impérialiste peut s’appuyer sur des parties des masses révoltées pour gouverner, en employant des moyens dictatoriaux, notamment en coupant les appareils de gouvernances “démocratiques” habituels, les libertés fondamentales, et en utilisant des groupuscules pour asseoir sa domination dans la rue. Les classes populaires organisées, dont les syndicalistes, font partie des premières victimes de ce système politique. Si le fascisme est une problématique de masse devant préoccuper la société entière, il connaît des manifestations particulières dans l’ESR, où des groupuscules servant l’ordre bourgeois peuvent directement s’en prendre aux organisations, parfois en collusion avec les instances administratives, notamment par des groupes “antiblocages” violents. Depuis plusieurs années, la répression syndicale tend à se formaliser et à s’institutionnaliser. Sous couvert de menace terroriste, les présidences d’université se sont dotées d’une armée de vigiles, qui, à défaut de pouvoir prévenir une attaque terroriste, servent en réalité à entraver l’action syndicale sur les campus. Ainsi, nous défendons la liberté de nous réunir et de véhiculer nos idées et sous toutes formes. Nous luttons contre tout manquement aux libertés syndicales et contre la répression des luttes dans l’ESR. Nous luttons contre la banalisation des discours fascistes et voyons dans l’antifascisme une pratique de masse, nécessitant une vigilance permanente.
9ème Point : Sur l’indépendance syndicale
Nous défendons une organisation indépendante refusant toute forme de tutelle de la part d’autres forces syndicales, de partis politiques, des directions universitaires et instances étatiques. Ce principe implique aussi de nous questionner sur notre indépendance financière, alors que la bourgeoisie met tout en place pour domestiquer les organisations syndicales, tant dans les espaces de représentation que par le biais de nombreuses subventions. Nous devons ainsi tendre à un financement priorisant nos ressources propres. Le principe d’indépendance n’exclut cependant pas le travail en commun ou l’adhésion des membres à d’autres organisations. les membres de l’organisation sont libres d’afficher et de revendiquer leurs opinions politiques tant que celles-ci ne sont pas contradictoires avec nos principes de base. Nous reconnaissons également la liberté de culte.
10ème Point : Sur la lutte syndicale et la transformation sociale
Par notre participation ouverte à la lutte des classes, nous assumons vouloir améliorer nos conditions de vie et d’étude, mais aussi plus largement remettre en cause le mode de production capitaliste qui organise notre exploitation. Ainsi, les intérêts des étudiant-e-s, de par leur statut de travailleur-se-s en formation, sont étroitement lié-e-s à ceux des masses populaires, plus particulièrement à ceux de la classe ouvrière. Conscient-e-s que le syndicalisme ne se suffit pas à lui-même, notre rôle ne se trouve pas dans l’organisation de la prise de pouvoir des classes populaires, mais dans l’élévation de leur niveau de conscience, leur consolidation, et leur unité par la lutte, s’inscrivant dans le sens d’un changement global de société, où chacun-e puisse s’épanouir librement, sans oppression ni exploitation. L’écologie est également un enjeu primordial des luttes actuelles. Le capitalisme, par la façon dont il organise la production, est incompatible avec les enjeux de la question écologique, la recherche du profit maximal à tout prix étant antagoniste avec la préservation de l’environnement. Le niveau de conscientisation de plus en plus élevé sur ce sujet est le reflet de l’impossibilité de résoudre cette contradiction et les syndicats doivent participer à l’élever encore plus, notamment par la politisation de ces questions. Les universités jouent un rôle dans les luttes écologiques, notamment par la recherche, qui est un outil précieux pour déceler et expliquer les conséquences du mode de production sur l’environnement et sur les conditions de vie des masses. Leur libéralisation, notamment le financement privé de la recherche et les filières public-privé, est en passe de les rendre inutilisables en donnant aux entreprises privées et à la bourgeoisie des moyens de pression bien trop grands sur les universités. Le rôle des syndicats étudiants et des syndicats d’enseignant-e-s est de préserver l’indépendance des laboratoires et la politisation des questions d’écologie. Nous affirmons que notre conception de l’ESR est incompatible avec le capitalisme, qu’elle nécessite l’édification d’une nouvelle société libérée de ses contradictions et ce, par le renversement de l’ordre social actuel.
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